VOGNA HADOUBE « L’Afrique redéfinit son identité architecturale à travers l’art mural »

Dans l’univers de l’art, l’architecte Vogna Hadoubè, cofondatrice de l’Atelier TESSEL, définit son approche architecturale autour de trois piliers à savoir la conception spatiale, le paysage et l’art. Selon elle, la fresque n’est pas seulement une peinture murale, mais un langage architectural profond dans la mesure où elle permet à l’Afrique de redéfinir son identité architecturale. Pour ce faire, elle utilise des matériaux divers tels que la pierre, l’argile et la mosaïque pour garantir la durabilité de leurs œuvres. Dans un entretien qu’elle nous a accordé, Vogna Hadoubè revient sur la question de l’intégration de la fresque murale dans le domaine de l’architecture.

Parlez-nous de votre parcours professionnel et des expériences clés qui ont façonné votre approche en tant qu’architecte ?

Nous avons suivi une formation en architecture à l’EAMAU (Ecole Africaine des Métiers de l’architecture et de l’Urbanisme), est une école inter-état de 14 pays dont le Burkina Faso est membre. Pendant ce parcours, nous avons eu à développer une forte sensibilité pour l’art. C’est là que naît le duo que nous sommes qui devient par la suite les cofondateurs d’Atelier TESSEL.

Nous avons eu un parcours atypique tous les deux mais une vision commune : participer à l’affirmation de notre identité culturelle au travers des fresques. C’est ainsi qu’à la fin de ce parcours, nous avons participé à la réalisation de plusieurs projets dans la ville de Lomé.

On peut citer entre autres la participation à la réalisation des murs du campus de l’université de Lomé qui s’entendait à peu près sur 1.200 m2 de surface, la décoration des murs du Data centre de Lomé qui s’étendait sur 515 m2 de surface et de l’intégration des fresques sur les Talus de la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA) qui s’entendait à peu près sur 1500 m2.

Cette pré-expérience nous a encouragé à créer un espace qui s’appelle « les Ateliers TESSEL » qui a réalisé entre temps plusieurs autres projets dans la ville de Lomé au Togo et au Cameroun notamment dans le domaine de l’intégration de l’art dans l’espace urbain et dans l’architecture. A Ouagadougou, nous avons réalisé plusieurs projets pour des clients privés et nous espérons vraiment apporter notre touche artistique à cette ville.

Notre approche de l’architecture s’appuie sur trois piliers, la conception spatiale, le paysage (espace vert, eau et minérale) et l’art. Cette approche s’est dessinée au gré de nos expériences et notre réflexion sur l’espace architectural en Afrique. Dans l’espace rural en Afrique on observe que notre architecture a une profonde connexion avec le milieu et dans beaucoup de nos constructions traditionnelles en Afrique, les représentations artistiques sont quasi présentes sur les murs. C’est autour de cette trilogie que nous avons défini notre marque identitaire en tant qu’architecte.

Qu’est-ce qu’une fresque ? Quel est son rôle ?

Disons qu’une fresque dérive de « fresco » qui est une expression d’origine italienne qui signifie « frais ». En réalité la fresque désignait à l’époque de la renaissance une peinture murale qui était réalisée sur de la chaux encore humide pour que les pigments s’insèrent profondément dans la matière. Les supports de ces peintures étaient souvent les murs et les plafonds. Mais l’expression aujourd’hui s’est généralisée dans le grand public pour désigner les représentations d’art mural dans le bâtiment ou en milieu urbain.Ce qu’il faut savoir c’est que les fresques ou l’art intégrée dans le bâtiment ou sur les murs en milieu urbain ont plusieurs fonctions. Elles participent premièrement à l’embellissement de la ville ou du bâtiment, elles contribuent à l’attractivité d’un lieu de par sa présence, de ce fait elle façonne l’identité du lieu. Les fresques participent également au développement économique car le secteur du bâtiment est un secteur important dans l’économie.

Réaliser des fresques donne un poids économique à tout une chaîne d’acteurs locaux (artistes, vendeurs de matériaux, transporteurs, ouvriers etc..), tout en créant une dynamique économique endogène. Les fresques participent aussi à façonner et à préserver l’identité culturelle et j’aimerais signaler que les représentations murales sont présentes partout dans l’architecture africaine.

On les retrouve chez les Kassena au Burkina, chez les dogons au Mali, chez les bamilékés au Cameroun, dans les palais royaux d’Abomey au Bénin. On connaît les fresques légendaires du Tassili qui remonte à près de 8000 ans avant l’ère commune. Donc les fresques permettent de retranscrire le patrimoine culturel parce que les artistes sont les griots de la culture.

Est-ce à la portée de tous ?

Les fresques sont à la portée de tous et selon les matériaux utilisés, ils peuvent être plus ou moins onéreux. Dans nos architectures traditionnelles comme chez les Kassena, nous avons des fresques et elles sont faites à la main par des femmes kassena, donc les fresques sont à la portée de tous.

Quels sont les éléments clés à considérer lors de la conception d’une fresque dans un espace architectural ?

L’architecture est un art qui prend en compte le contexte dans lequel il est implanté. De même, cette intégration nécessite une prise en compte de l’espace architectural et du contexte socioculturel. Par exemple une fresque dans un milieu musulman se sera pas la même dans un milieu traditionnelle ou chrétien.

La fresque n’est pas une simple décoration, elle est une représentation profonde des aspects identitaires du milieu culturel dans lequel il s’intègre. Par conséquent, il faut prendre en compte la composition architecturale, le contexte culturel ou religieux, les paramètres économiques et la disponibilité des matériaux.

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