« Investir dans le secteur des transports en Afrique, y compris au Burkina Faso, comporte de nombreux avantages. »

Anûuyirtole Roland SOMDA est le Ministre des Transports, de la Mobilité Urbaine et de la Sécurité Routière du Burkina Faso. Pour lui, même s’il existe des goulots d’étranglement par endroits et des efforts d’amélioration à y faire, le secteur des transports en Afrique, constitue un vivier important auquel les investisseurs gagneraient à s’intéresser. Une donnée saisie par le gouvernement du Burkina Faso qui ne ménage pas ses projets dans le secteur, à travers des programmes ambitieux et porteurs d’espoir pour le développement, dont il nous fait part dans cette interview.

Quelle appréciation faites-vous du développement des infrastructures de transports routiers, maritimes, ferroviaires et aériennes en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier ?

Le développement des infrastructures de transports en Afrique enregistre d’une manière générale des progrès inestimables même si de nombreux défis restent à relever pour répondre aux besoins en termes de mobilité des personnes et des biens. En Afrique de l’Ouest particulièrement, on peut noter effectivement à ce jour, la mise en œuvre de grands projets d’infrastructures de transports aussi bien à l’intérieur des Etats que sur le plan des interconnexions inter-Etats.

Au Burkina Faso, des efforts ont été déployés pour développer le réseau routier, en particulier les routes principales reliant les centres économiques du pays. Des projets de construction et de réhabilitation de routes ont été entrepris pour améliorer la connectivité nationale et régionale.

Pour ce qui est des infrastructures ferroviaires, en Afrique en général, il y a lieu de relever que la majeure partie a été construite pendant la période coloniale, exceptés certains tronçons réalisés après les indépendances. On peut citer le chemin de fer Ouaga – Kaya construit sous la révolution.  Malheureusement, ces infrastructures n’ont pas pu être conservées en bon état de fonctionnement du fait principalement, de l’absence d’une politique continue de maintenance.

En ce qui concerne le volet aérien, le transport a connu une croissance significative ces dernières années, avec l’émergence de compagnies aériennes africaines et l’amélioration des infrastructures aéroportuaires. De nombreux pays africains ont investi dans la modernisation et l’extension de leurs aéroports, ce qui facilite les voyages intra-africains et internationaux. Cependant, certains défis persistent, notamment en termes de connectivité régionale et de coûts élevés des billets d’avion.

Pour le cas spécifique du Burkina Faso, le niveau de développement des infrastructures de transport est très appréciable quand on fait un recul pour regarder la situation d’il y a une décennie. En effet, la proportion de routes urbaines et interurbaines aménagées (revêtues) a été doublée et celle des pistes rurales est passée de 18,7% en 2007 à 34% en 2022. Dans le domaine aérien, l’évolution est moins sensible mais là également, avec la mise à niveau de l’aéroport international de Bobo-Dioulasso et le projet de construction du grand aéroport en cours, les perspectives sont bonnes.

Les infrastructures ferroviaires n’ont pas connu une grande évolution. Toutefois, conscient de l’importance stratégique du transport ferroviaire dans le développement économique et social, le Burkina Faso a pris l’option de réhabiliter la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou pour donner au train une plus grande vitesse et une meilleure praticabilité.  Le pays a en projet de diversifier ses corridors de desserte en construisant de nouvelles lignes pour interconnecter notre réseau ferroviaire à ceux des pays voisins comme le Mali, le Ghana, le Niger et le Togo.

Comme de nombreux pays sans littoral, le Burkina Faso dépend des ports des pays voisins, ce qui limite son accès aux marchés mondiaux par voie maritime. Mais des efforts ont été faits pour faciliter le transit des marchandises vers ces ports, notamment par des accords bilatéraux et des initiatives régionales.

-Au Burkina Faso, l’aéroport international de Ouagadougou a été modernisé pour accueillir un plus grand nombre de passagers et améliorer les services aériens. Des efforts sont également déployés pour renforcer la connectivité régionale et développer le tourisme. Depuis le 20 avril 2023, l’ouverture « H24 » de l’Aéroport international de Bobo-Dioulasso est effective. Nous avons pu réaliser l’alignement du prix du carburant sur les deux (02) aéroports. En effet, le prix du carburant au niveau de l’aéroport de Bobo-Dioulasso était supérieur d’environ 32% à celui de Ouagadougou, ce qui a nécessité une révision du prix du carburant à Bobo pour le ramener au même niveau que celui de Ouagadougou…

Mais le plus grand projet est la construction de l’aéroport international de Donsin. Le taux de réalisation physique de la partie technique au 15 mai 2023 est de 62%. La réalisation des parties commerciales de l’aéroport, notamment l’aérogare, n’a pas encore commencé. D’un coût global revu en 2019 à quatre cent trente-six milliards huit cent trente un million (436 831 000 000) F CFA, la construction de l’aéroport a surtout été négativement impactée par le schéma de financement retenu qui repose sur des prêts, sur le budget de l’État et sur une partie en concession de service public. Le gouvernement dispose à ce jour, d’alternatives crédibles pour la réalisation de l’aéroport dans le strict respect des intérêts supérieurs du peuple burkinabé et pour permettre l’achèvement de l’aéroport de Donsin dans les deux (2) à trois (3) années à venir.

En résumé, bien que des progrès aient été réalisés dans le domaine des infrastructures de transport en Afrique, et au Burkina Faso, il reste encore beaucoup à faire. Des investissements continus et une coordination régionale sont nécessaires pour améliorer les réseaux de transport, réduire les obstacles logistiques et favoriser l’intégration économique.

Les Etats africains se sont engagés à créer la Zone de Libre Echange Continentale Africaine ! Quel rôle pourrait ou devrait jouer le secteur des transports dans ce beau projet panafricain ?

La création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) est en effet un projet ambitieux qui vise à promouvoir l’intégration économique et le commerce intra-africain. L’étude sur les « Implications de la Zone de libre-échange continentale africaine sur la demande d’infrastructures et de services de transport » réalisée en 2022, a montré que la mise en œuvre de la ZLECAf entraînerait une augmentation générale de la demande de fret intra-africain d’environ 28 % par rapport aux scénarios sans mise en œuvre. Le secteur des transports jouera ainsi un rôle crucial dans la réussite de cette initiative panafricaine. Voici quelques-uns des rôles potentiels que le secteur des transports pourrait ou devrait jouer :

facilitation du commerce en réduisant les obstacles logistiques et administratifs.

connectivité en développant des infrastructures routières, ferroviaires, aériennes et maritimes modernes et efficaces.

logistique et chaîne d’approvisionnement en soutenant le développement de services logistiques efficaces et fiables.

développement du secteur des transports : la mise en place de la ZLECAf offre également des opportunités de développement du secteur des transports lui-même. Les entreprises de transport africaines peuvent bénéficier de l’augmentation des échanges commerciaux en proposant des services compétitifs et de qualité.

Il est important que les pays africains collaborent étroitement pour mettre en œuvre ces mesures et exploiter pleinement le potentiel du secteur des transports dans le cadre de la ZLECAf. Cela nécessitera une coordination régionale, des investissements appropriés et une harmonisation des politiques et des réglementations liées au transport à travers le continent.

Quel est l’état du transport au Burkina Faso ?

Le secteur des transports enregistre des progrès importants en matière de qualité et d’accès aux services. Il est caractérisé par une faible organisation et une formalisation des entreprises de transport, un niveau d’aménagement du réseau routier non encore adapté, un faible maillage du territoire en transports urbains de passagers par bus, une vétusté du parc de véhicules pour le transport de marchandises et de personnes…

Toutefois, le secteur des Transports, fait l’objet de toutes les attentions dans les différents plans de développement économique et social.  A ce jour, le secteur a réussi entre autres à :

mettre en place une faîtière unique des transporteurs regroupant les différents acteurs du transport ;

assurer le renouvellement et la sécurisation des titres de transports ;

accompagner le renouvellement du parc de véhicules poids lourds vétustes (en cours) au profit des entreprises privées de transports ;

mettre en place un système de gestion et de paiement des amendes liées à la surcharge et aux excès de vitesse ;

réaliser l’interconnexion du système d’information des transports impliquant toutes les structures productrices de données sur les services de transport ;

améliorer le système de gestion du transit ;

rendre formelle plus d’une centaine d’entreprises de transport

Plusieurs actions sont encore envisagées pour améliorer l’état du transport aussi bien au niveau routier, ferroviaire qu’aérien.

Le Burkina Faso est un pays enclavé dont les échanges commerciaux passent essentiellement par la route. Quels sont les projets d’amélioration du parc de transport de votre pays ?

Le Burkina Faso reconnaît l’importance de l’amélioration de son parc de transport. Le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs projets et initiatives, pour renforcer et moderniser le parc de véhicules de transport routier du pays.

Parmi ces initiatives, on peut citer le projet d’appui à la modernisation du secteur des transports et à la facilitation du commerce (PAMOSET-FC) qui consacre sa composante 2 à la mise en place d’un mécanisme pérenne de renouvellement du parc de véhicules poids lourds avec des conditionnalités très attrayantes et souples pour permettre aux transporteurs d’accéder plus facilement à des crédits pour l’acquisition de nouveaux camions. Ce projet offre une subvention de 30% du coût d’acquisition du camion, une prime à la casse ainsi qu’une garantie de 70% du crédit et a incité les institutions financières à financer le secteur des transports qu’elles qualifiaient de secteur à haut risque.

Plusieurs autres projets sont en étude ou en recherche de financement pour améliorer le parc de véhicules de taxis et de bus pour le transport de personnes et de marchandises.

La réalisation de la ZLECAF constitue-t-elle une opportunité pour les pays africains et leurs secteurs du transport ?

Absolument, la réalisation de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) représente une opportunité majeure pour les pays africains et leurs secteurs du transport. Voici quelques raisons :

Stimuler le commerce intra-africain : La ZLECAf vise à créer un marché unique en Afrique, éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce entre les pays membres.

Favoriser l’intégration régionale : La ZLECAf encouragera l’intégration économique régionale en créant des synergies entre les pays africains.

Encourager les investissements dans les infrastructures de transport : la mise en œuvre de la ZLECAf attirera des investissements dans les infrastructures de transport en Afrique.

Créer des opportunités d’emploi et de croissance économique : La ZLECAf ouvrira de nouvelles opportunités commerciales et économiques en Afrique. Le secteur du transport, en tant que moteur de la circulation des marchandises et des personnes, générera des emplois dans le transport routier, ferroviaire, maritime et aérien, ainsi que dans les services logistiques connexes.

En résumé, la ZLECAf représente une opportunité majeure pour les pays africains et leurs secteurs du transport. En favorisant le commerce intra-africain, l’intégration régionale, les investissements dans les infrastructures et la promotion de l’innovation, la ZLECAf peut contribuer à transformer et à dynamiser le secteur du transport en Afrique.

Quels sont les projets de votre département à court et moyen terme ?

Dans le sous-secteur de la mobilité urbaine, nous avons pu élaborer et adopter une Stratégie Nationale de Mobilité Urbaine (SNMU). Elle sert de boussole aux actions dans le domaine non seulement pour nous et mais aussi tous les acteurs et partenaires intéressés par la question. Sur la base de cette Stratégie, nous avons accompagné en 2022, quatre communes urbaines à élaborer des avant-projets d’arrêté pour organiser la circulation et le stationnement des véhicules poids lourds dans leur ressort territorial. Il s’agit de Bobo Dioulasso, Banfora, Dédougou, Koudougou.

Nous préparons, avec la Banque mondiale, un grand projet de mobilité et de développement urbain pour les villes secondaires du Burkina Faso, dont Kaya et Ouahigouya, d’un coût de 200 millions de dollars. Ce projet a pour ambition d’améliorer une accessibilité des populations, y compris les Personnes déplacées internes (PDIs), aux services de base et aux infrastructures économiques résilientes aux climats.

En outre, nous sommes en discussion avec nos partenaires de la BAD pour la réalisation d’un projet de mobilité urbaine dans les quartiers périphériques incluant aussi la desserte ferroviaire en milieu urbain.

 Avec la coopération Japonaise nous accélérons les échanges pour l’élaboration des Schémas directeurs de mobilité urbaine dans les villes de Ouagadougou et Bobo Dioulasso.

Sur le volet ferroviaire, nous envisageons, à court terme, la mise en œuvre d’un plan d’investissements d’envergure sur l’ensemble du réseau Abidjan-Ouagadougou-Kaya afin de préserver le rôle stratégique et intégrateur de la ligne de chemin de fer pour les deux pays, d’accroître le trafic marchandises et de mettre en place des services de voyageurs attractifs.

D’ores et déjà, les spécialistes de mon département ont formulé des propositions que nous étudions en vue de la relance du train interurbain de voyageurs entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, de même que la reprise du trafic international de voyageurs entre Abidjan et Ouagadougou. J’ai aussi engagé des échanges avec les PTF pour le financement de la construction de nouvelles lignes ferroviaires et celui du projet de réhabilitation du réseau existant.

A moyen terme, notre ambition est d’améliorer la mobilité de nos concitoyens, et de diversifier l’accès du Burkina Faso aux ports par le chemin de fer, en accélérant la reprise du transport voyageurs, du projet d’interconnexion ferroviaire avec le Ghana (port de Tema), et du projet Boucle ferroviaire (ports de Lomé et de Cotonou). Dans le but de renforcer l’appui conseil aux transporteurs et aux chargeurs, le Conseil Burkinabè des chargeurs a construit une représentation au port de Téma. Son inauguration a eu lieu le 28 janvier 2023.

Sur le plan aérien, nous poursuivrons la mise en œuvre du projet de construction de l’aéroport de Donsin et la réhabilitation des aérodromes secondaires.

Quel message avez-vous à l’endroit de ceux qui souhaitent investir dans les transports en Afrique et au Burkina Faso ?

Pour ceux qui souhaitent investir dans le secteur des transports en Afrique, et au Burkina Faso, voici quelques messages importants :

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