L’implication de la Chine dans le développement des infrastructures en Afrique est bien plus ancienne qu’elle ne parait. Déjà en 1949, le Parti Communiste chinois qui venait de prendre le pouvoir cherchait à gagner de la légitimité chez les pays d’Afrique. En contrepartie de cette reconnaissance officielle, la Chine construisait des chemins de fer, des hôpitaux et des écoles pour les populations de ces Nations.
Avec le départ des puissances coloniales suite aux indépendances de 1960, la Chine s’est empressée de combler le vide en s’engageant progressivement dans des projets d’infrastructures sur le continent. Elle proposait ainsi aux pays africains, son modèle de développement qui était surtout basé sur les infrastructures. Ce modèle se généralisera plus tard et aboutira à « La nouvelle route de la soie » en 2013. Un projet d’envergure dont les travaux devraient être achevés en 2049, et qui vise à construire un ensemble de liaisons maritimes et ferroviaires entre la Chine et environ 70 pays à travers le monde.
Les entreprises chinoises dominent le marché africain des infrastructures
De 2003 à 2020, les investissements de la Chine sur le continent africain sont passés de 4,9 milliards $ à 473,5 milliards $. Ces fonds ont permis de construire plus de 13 000 km de voies ferrées, près de 100 000 km d’autoroutes, près de 1000 ponts, une centaine de ports et plus de 80 grandes centrales électriques. Ceci sans oublier les 130 établissements médicaux, les 45 sites sportifs et les 170 écoles.
Outre le financement essentiellement composé de prêts, la Chine apporte également son expertise dans la mise en œuvre des projets. Selon un rapport du cabinet Deloitte, les entreprises chinoises détenaient à elles seules, un tiers de tous les projets d’infrastructures réalisés en Afrique en 2020. On compte aujourd’hui plus de 10 000 entreprises chinoises actives sur le continent africain, selon le cabinet McKinsey.
Une concurrence insoutenable pour les entreprises locales
Les accords signés dans le cadre des projets d’infrastructures incluent généralement une clause selon laquelle une partie ou la majeure partie des chantiers doit revenir aux entreprises chinoises. Ce terme contenu dans les accords défavorise déjà les entreprises locales spécialisées dans les mêmes domaines d’intervention.
De plus, l’expertise et l’expérience avérées des sociétés chinoises leur donnent un avantage certain sur la concurrence locale. Sans oublier les coûts de main d’œuvre généralement bas qu’elles proposent. Selon Daan Roggeveen, fondateur de la société MORE Architecture basée à Shanghai et à Amsterdam interrogé par Forbes, lorsque les pays africains s’adressent à deux entreprises, une occidentale et une chinoise, pour réaliser leurs projets d’infrastructures, c’est toujours l’entreprise chinoise qui l’emporte. « A chaque fois, c’est l’entreprise chinoise qui propose un prix inférieur » a-t-il indiqué.
Malgré leur tarif nettement inférieur, les sociétés chinoises sont à la pointe de la technologie et disposent ainsi des ressources techniques nécessaires pour mener à bien les projets, contrairement aux entreprises locales qui sont obligées de pratiquer des prix supérieurs quand elles doivent suivre les mêmes standards pour exécuter les projets. Autrement, elles auront beaucoup de mal à atteindre une rentabilité.
La préférence des dirigeants africains pour les entreprises chinoises
Les dirigeants d’Afrique cherchent à copier le modèle de développement de la Chine qu’ils considèrent comme un exemple à suivre en raison de son parcours. Faut-il le rappeler, la Chine était l’un des pays les plus pauvres du monde dans les années 1940. L’Empire du Milieu s’est cependant imposé ces dernières décennies comme une superpuissance grâce au développement fulgurant de ses infrastructures. En 30 ans, la Chine a construit un réseau ferroviaire de plus de 29 000 km, 100 000 km de voies expresses, 100 nouveaux aéroports, 3500 nouvelles zones urbaines, 500 zones économiques, etc. Ces différentes réalisations ont permis à la Chine de décupler son PIB entre 1990 et 2020.
Les pays africains considèrent donc le développement des infrastructures comme la clé de leur croissance économique. Un avis que partage d’ailleurs le président chinois, Xi Jinping, quand il affirme que « c’est l’insuffisance des infrastructures qui est le plus grand obstacle au développement de l’Afrique ». Profiter à la fois des financements des banques chinoises et de l’expérience des entreprises chinoises deviennent alors une aubaine pour les dirigeants africains.
Ces derniers estiment qu’employer une société chinoise est non seulement profitable à l’économie locale mais aussi au développement des compétences nationales. Selon le rapport « Dance of the lions and dragons » du cabinet McKinsey, 89% des salariés des entreprises chinoises actives en Afrique sont des locaux. De 2000 à 2020, les entreprises chinoises menant des projets d’infrastructures en Afrique ont créé plus de 4,5 millions d’emplois sur le continent et formé plus de 160 000 professionnels, selon John Plassard, expert senior en macroéconomie et spécialiste en investissements chez Mirabaud & Cie, un groupe bancaire basé à Genève.
Faire de la place aux entreprises locales
« A l’heure actuelle, tout grand chantier dans les villes africaines qui dépasse trois étages ou trois kilomètres est susceptible d’être initié et mis en œuvre par les Chinois » souligne Daan Roggeveen. Quoique cette situation profite aux gouvernants, il importe de favoriser l’implication des entreprises locales dans la réalisation des projets d’infrastructures.
Les dirigeants africains pourraient opter pour des partenariats destinés à renforcer les compétences des entreprises locales grâce à des formations et des transferts de connaissances avec les entreprises chinoises. Ils pourraient également confier une partie des projets aux sociétés locales, aux côtés des entreprises étrangères qui resteront les principaux exécutants.
En outre, les autorités africaines pourraient légiférer pour accorder la priorité aux entreprises locales dans l’attribution des marchés d’infrastructures ou créer des co-entreprises pour l’exécution des projets comme c’est généralement le cas dans les projets d’exploitation minière. Les dirigeants pourraient aussi recruter les entreprises étrangères dans le cadre d’un partenariat d’assistance technique pour aider les entreprises locales à réaliser les projets d’infrastructures selon les standards requis.
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