TOP 10 des architectes africains

Ces dix architectes africains reconnus à l’échelle mondiale, chacun possédant son propre style et sa propre vision, sont perçus comme d’authentiques institutions dans ce domaine encore peu exploré sur le continent. Vue d’ensemble 

AZIZA CHAOUNI

L’experte en édifices durables et inclusifs

Architecte marocaine et experte en écotourisme, Aziza Chaouni se consacre non seulement à des projets de construction durable, mais également à la sauvegarde du patrimoine au Maroc et dans divers pays africains. En tant que responsable du cabinet Aziza Chaouni Projects, elle a remporté le prix du design 2024 attribué par l’Institut du monde arabe (IMA) en septembre 2024 pour son modèle de « maison durable contre les séismes ».

Aziza Chaouni est née le 26 juin 1977 au Maroc. C’est à l’université Columbia de New York et à la Harvard School of Design de Cambridge qu’elle a effectué ses études d’architecture. Elle a rejoint la faculté d’architecture de la Daniels Faculty of Architecture, Landscape and Design – University of Toronto (Canada) en 2008, occupant le poste de directrice de la plateforme « Designing ecological Tourism ».

En 2011, elle crée le cabinet Aziza Chaouni Projects, spécialisé en architecture durable, paysage, design urbain et construction. Elle s’investit principalement dans diverses initiatives d’aménagement et de sauvegarde du patrimoine. Sa méthode consiste notamment à impliquer les communautés locales en tant que collaborateurs dans la mise en valeur de leurs habitats.

Relever les défis associés aux changements climatiques

Depuis de nombreuses années, Aziza Chaouni se consacre à la restauration, à la préservation et à la construction d’édifices durables et inclusifs. Elle cherche également, par le biais de son architecture, à relever des défis associés aux changements climatiques et aux tremblements de terre, comme son projet de prototype de « maison durable antisismique » conçu suite au tremblement de terre d’Al Haouz en 2023.

Au Maroc, elle a travaillé notamment sur la rénovation du complexe thermique de Sidi Harazem et la construction d’une bibliothèque à partir de tuyaux d’égouts recyclés à Beni Oulid dans l’Atlas. Elle a aussi participé au projet de restauration de deux sites touristiques situés autour des rivières de Targa N’Touchka et Boutbouqalt. En 2017, elle a fondé l’association Joudour Sahara, proposant des concerts sans frais et dispensant des leçons sur la désertification aux enfants et aux jeunes. 

Durant son parcours professionnel, Aziza Chaouni a reçu plusieurs récompenses comme le prix Gold Global et Gold Regional Africa and Middle East attribué par la Fondation Holcim pour la construction durable. Elle a également reçu le prix Architectural League of New York Young Architects, l’Architectural Design Research Association Great Places, le prix de conception de l’American Society of Landscape Architects, le prix de collaboration de l’ACSA et le Prix du design 2024 attribué par l’Institut du Monde Arabe.

DIEBEDO FRANCIS KERE

Le premier Africain à recevoir le Pritzker

L’architecte d’origine burkinabè a un destin bien singulier. Fils d’un chef de village, il a été envoyé par son père à l’école pour apprendre à lire. Devenu charpentier, il a travaillé pour une ONG allemande et obtenu une bourse pour poursuivre ses études à Berlin. En Allemagne, il espérait renforcer ses connaissances en menuiserie. Mais très vite, il migre vers l’architecture en se rendant compte que ce domaine pourrait jouer un grand rôle dans les pays pauvres. Diébédo Francis Kéré est diplômé de la grande université technique de Berlin.

Il est célèbre dans le monde entier après être devenu le premier Africain à recevoir le prestigieux prix Pritzker, une récompense mondiale équivalente au prix Nobel de l’architecture. Cette récompense, il l’a reçue pour son œuvre, qui comprend des structures permanentes et temporaires érigées au Burkina Faso, son pays natal, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique, en Europe et aux États-Unis. Mais pour certains ténors de l’architecture internationale, ce couronnement mondial n’est pas une surprise en soi tant les services de l’homme sont sollicités sur plusieurs continents.

Impliquer les habitants dans ses projets

Diébédo Francis Kéré a une particularité, celle de réaliser une bonne alchimie entre tradition et modernité sur le plan architectural, technique des matériaux et social.  L’école en terre crue qu’il a fait sortir du sol en 1999 dans son village d’origine, Gando, près de Tenkodogo, est l’une de ses premières réalisations. Il souhaitait impliquer les habitants du village dans le projet : il a précisé qu’il utiliserait la terre, mais en l’enrichissant avec 10 % de ciment et en comprimant les briques. Le défi majeur consistait à comprendre comment présenter la création et les dessins aux individus qui ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture.

Dans tous ses projets au Burkina Faso, l’architecte rencontre ce défi. Dans chaque projet qu’il entreprend, il veille à collaborer avec des groupes locaux auxquels il dispense une formation. Il a continuellement reçu des prix depuis qu’il a remporté l’Aga Khan Award for Architecture en 2004. En 2016, il a été le premier Africain à figurer dans le prestigieux groupe des « architectes Serpentine », aux côtés de Zaha Hadid, Peter Zumthor, Frank Gehry, Jean Nouvel, Rem Koolhaas et Herzog & de Meuron. Son pavillon était inspiré de l’arbre central autour duquel les gens se rassemblent, aujourd’hui encore, dans son village natal de Gando, au Burkina Faso. Aujourd’hui, ses œuvres se laissent admirer en Afrique, mais aussi sur d’autres continents, contribuant à assoir la réputation de l’homme. À travers ses œuvres, il met en relief l’importance cruciale de concevoir des « villes cohérentes et paisibles ».

Diébédo Francis Kéré vit entre Berlin, où il a créé une agence “Kéré Architecture” avec huit collaborateurs, et l’Afrique où il développe la plupart de ses projets.

SENAME KOFFI AGBODJINOU

L’architecte visionnaire au service d’une Afrique durable

Dans le paysage de l’architecture contemporaine, un nom se distingue par son audace et sa vision : Sénamé Koffi Agbodjinou. Né en 1980 à Lomé, au Togo, cet architecte et anthropologue conjugue tradition et modernité pour repenser l’avenir urbain du continent africain. Avec une formation à l’école nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Paris La Villette et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il allie une expertise technique à une compréhension profonde des dynamiques sociales.

Sénamé Koffi Agbodjinou ne se limite pas à concevoir des bâtiments : il imagine des écosystèmes urbains qui célèbrent l’authenticité africaine tout en répondant aux défis contemporains. Sa vision repose sur une ville intelligente et durable, où technologie, tradition et respect de l’environnement coexistent harmonieusement. Pour lui, l’urbanisme africain doit s’émanciper des modèles occidentaux standardisés pour s’inspirer des savoir-faire locaux et des spécificités culturelles.

L’Africaine d’architecture : Une plateforme pour une nouvelle urbanité

Au cœur de son travail, l’Africaine d’architecture, une plateforme de recherche et d’expérimentation qu’il a fondée, incarne son engagement. Cet espace intellectuel et pratique explore des solutions innovantes pour intégrer les ressources locales dans le développement urbain. Par cette initiative, Sénamé Koffi Agbodjinou plaide pour un urbanisme contextuel, en harmonie avec les réalités économiques, sociales et environnementales des sociétés africaines.

L’Africaine d’architecture propose des projets qui vont au-delà de l’esthétique pour répondre aux besoins fondamentaux des populations. En s’appuyant sur les matériaux locaux et les technologies adaptées, ces projets démontrent qu’il est possible de bâtir durablement sans renoncer à l’authenticité culturelle.

Un modèle pour l’avenir

Sénamé Koffi Agbodjinou incarne une nouvelle génération d’architectes africains qui, tout en s’inspirant du patrimoine, façonnent l’avenir. Sa démarche questionne les pratiques urbanistiques actuelles et encourage les décideurs à envisager des solutions innovantes et inclusives pour les villes africaines. Grâce à ses travaux, il ouvre la voie à un dialogue fécond entre tradition et innovation, local et global.

En somme, Sénamé Koffi Agbodjinou ne se contente pas de construire des espaces ; il redéfinit le rôle de l’architecture comme outil de transformation sociale et environnementale. À travers ses projets, il montre que l’Afrique peut devenir un modèle mondial d’urbanisme durable et respectueux des identités culturelles.

CHEICK DIALLO

Le designer malien qui sublime l’artisanat local

Cheick Diallo, figure emblématique du design africain, est né au Mali en 1960. Architecte de formation et designer de renommée internationale, il a su marier son héritage culturel et son expertise technique pour créer des pièces uniques qui célèbrent l’authenticité et la durabilité. À travers son parcours et ses réalisations, Cheick Diallo réinvente l’usage des matériaux modestes pour offrir au monde une vision innovante et poétique du design africain.

Né dans une famille où l’architecture était une passion transmise de génération en génération, Cheick Diallo a été très tôt initié à cet univers par son père, Saidou Diallo, architecte de renom au Mali. Il entame sa carrière en suivant des études d’architecture à Rouen, en France, où il découvre le design dans les années 1980. Cette découverte marque un tournant dans sa vie et le conduit à intégrer l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) à Paris, où il se spécialise dans la création de mobilier entre 1992 et 1994.

Pour Cheick Diallo, le design est plus qu’une discipline : c’est une déclaration d’amour au quotidien, un art de transformer des matériaux simples en objets fonctionnels et esthétiques.

L’alliance de l’architecture et du design

D’abord architecte, Cheick Diallo a su trouver un équilibre entre ses deux passions : la conception de bâtiments et la création d’objets. Partageant son temps entre la France et le Mali, il travaille avec des agences d’architecture françaises tout en poursuivant ses recherches en design. Mais c’est dans son pays natal qu’il trouve l’essence de son art. Il explore les ressources locales pour concevoir du mobilier et des objets en métal de récupération, plastique, papier d’emballage, bois, ou encore tissu, des matériaux qu’il sublime grâce aux savoir-faire des artisans maliens.

Un engagement pour la valorisation de l’artisanat local

Les créations de Cheick Diallo sont réalisées à la main par des artisans locaux tels que des tisserands, forgerons, bijoutiers, cordonniers, sculpteurs et potiers. Ce processus collaboratif permet non seulement de valoriser l’artisanat traditionnel malien, mais aussi de créer des pièces uniques, porteuses d’une histoire et d’une identité culturelle. À travers ses œuvres, Cheick Diallo démontre que les matériaux dits « pauvres » peuvent être transformés en trésors contemporains.

Mandaté par l’USAID au Mali, il accompagne également les entreprises et artisans dans l’amélioration des produits destinés à l’export, tant sur le plan stylistique que technique. En l’absence d’écoles de design au Mali, il multiplie les ateliers et workshops pour transmettre ses connaissances et former une nouvelle génération de designers.

Une reconnaissance internationale

Le talent de Cheick Diallo a été rapidement salué par la communauté internationale. En 1993, il remporte un concours organisé par le musée des Arts décoratifs de Paris avec sa chaise « Rivale » et son lampadaire « Ifen ». En 2006, il reçoit le premier prix du Salon international du design intérieur de Montréal (SIDIM). Ses créations sont régulièrement exposées dans des biennales et des salons prestigieux, à la fois en France et à l’étranger.

En 2004, Cheick Diallo fonde et préside l’Association des designers africains (ADA), une organisation dédiée à la promotion du design africain sur la scène internationale. À travers cette initiative, il milite pour une reconnaissance du talent des designers africains et pour une approche plus éthique et inclusive du design global.

CARIN SMUTS

Une architecte engagée pour un habitat digne en Afrique du Sud

Carin Smuts, architecte sud-africaine née en 1960 à Pretoria, consacre sa carrière à l’amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles et les zones rurales de son pays. En alliant sa passion pour l’art populaire et une démarche sociale et collective, elle s’impose comme une figure incontournable de l’architecture durable et engagée.

Diplômée en architecture de l’Université du Cap en 1984, Carin Smuts a vécu les bouleversements de l’Afrique du Sud marquée par l’apartheid. Les émeutes raciales des townships (bidonvilles) et des campagnes ont profondément influencé sa vision de l’architecture comme outil de transformation sociale. Consciente des inégalités criantes dans l’accès à un habitat décent, elle décide, en 1989, de fonder son agence CS Studio, avec pour mission principale d’améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables.

Une démarche sociale et collective

Carin Smuts privilégie une approche participative, impliquant directement les habitants dans la conception et la réalisation des projets. Son travail ne se limite pas à bâtir des infrastructures, mais vise à renforcer le tissu social et à promouvoir l’autonomisation des communautés. En collaborant étroitement avec les résidents des bidonvilles et des zones rurales, elle intègre l’art populaire et les savoir-faire locaux dans ses créations, tout en respectant l’environnement.

Des réalisations au service des démunis

À travers de nombreux projets de rénovation et de construction, Carin Smuts s’emploie à doter les quartiers défavorisés d’équipements essentiels tels que des écoles, des centres communautaires et des logements dignes. Son approche innovante et humaine reflète son engagement à repenser l’architecture comme un levier de développement durable et inclusif.

Une reconnaissance internationale

En 2008, le travail de Carin Smuts est couronné par le Prix international d’architecture durable/Global Award for Sustainable Architecture. Cette distinction, décernée lors d’un événement organisé par la Cité de l’architecture à Paris et l’Établissement public d’aménagement du Mantois-Seine-Aval (Epamsa), récompense son apport exceptionnel à la promotion de l’architecture durable et son engagement social.

Un héritage inspirant

À 48 ans, Carin Smuts continue de mettre son talent et son expertise au service des plus démunis, incarnant l’espoir d’un avenir où l’architecture contribue à réduire les inégalités et à améliorer la qualité de vie. Son travail, profondément enraciné dans les réalités sociales et culturelles de l’Afrique du Sud, reste un exemple vibrant de la manière dont l’architecture peut être un vecteur de changement et de justice sociale.

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