FRANCK VICTOR KIDJO: La terre cuite est « Le matériau le plus normalisé au monde »

Le secteur de la Brique en terre cuite reste encore un terrain vierge en Afrique. Au Bénin, Nature Brique, la première usine céramique installée dans le centre du pays à Zogbodomey travaille à faire adopter ce matériau de construction par les populations. Son propriétaire Franck Victor KIDJO, un ingénieur Télécoms informatique ayant compris l’importance de l’utilisation des briques en terre cuite a su se lancer très tôt dans ce domaine. Ayant toujours voulu exercer dans le secteur du BTP, il débranche et lance son entreprise qui aujourd’hui rafle les marchés publics béninois. Dans cet entretien, il partage les activités de Nature Brique et les nombreux avantages liés à l’utilisation de la brique en terre cuite dans la construction.

Présentez-nous brièvement votre entreprise, Nature Brique, et ses activités.

Nature brique est une société qui a émergé lors d’un voyage au Bénin en 2006.

Nature Brique fabrique tout ce qui est gros œuvres (les briques de 10, 15 et 20, les claustras, les hourdis, les nervures, les dalles de sols…). Nous avons une palette de produits que nous offrons au Bénin, qui actuellement est en forte demande, après 11 ans de misère. Nous avons ouvert la société en Novembre 2006. On a eu 32 mois pour monter l’usine donc effectivement on a commencé en décembre 2010, puisqu’on a eu une extension du code d’investissement parce que toutes les machines n’étaient pas arrivées.

Nous avons aussi des presses manuelles pour fabriquer des briques. Le problème qui se pose c’est qu’on veut qu’on fasse manuellement, artisanalement et en même temps on demande des tests en laboratoire pour que ça réponde aux normes européennes. On est obligé d’utiliser des machines pour avoir la quantité parce que la demande est forte. Avec la presse manuelle vous ne pouvez qu’avoir maximum 1000 briques par jour alors qu’avec l’automatisation c’est 3000 briques par jour.

Quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé à vous spécialiser dans l’utilisation de briques en terre cuite dans vos constructions ?

En 1995 où j’étais en vacances avec ma famille, je cherchais déjà ce que j’allais faire. Mon épouse étant architecte, Belge, pays de la brique, elle m’a dit : « je ne comprends pas pourquoi vous construisez en béton dans un environnement humide et chaud. Le mieux c’est la terre cuite ». Je n’ai pas prêté beaucoup d’attention à ses propos. Mais lorsque j’ai décroché et décidé de rentrer au Bénin, j’ai décidé de mettre en place Nature Brique pour fabriquer des briques en terre cuite, puisque la ressource est abondante, elle existe, c’est de la terre. De là est né Nature Brique, embryonnaire. On a mis l’usine semi industrielle en place parce qu’on devait créer de l’emploi, sinon on aurait dû la mettre totalement en industrielle automatisée.

Au début, personne ne voulait adhérer. On a dû faire des efforts pour que les gens adhèrent à la brique rouge. Et quand elle est rouge, les gens pensent que c’est pour les pauvres, alors que, dans le monde entier, il n’y a que les riches qui peuvent construire avec de la terre cuite.

Quels sont les avantages que vous associez à l’utilisation des briques en terre cuite par rapport à d’autres matériaux de construction ?

Vous savez, elle existe depuis 400 ans avant Jésus-Christ, la terre cuite. Elle a fait ses preuves depuis longtemps. C’est le matériau le plus normalisé au monde. Personne ne trompe. On ne mélange pas le ciment, on ne mélange pas le sable, il n’y a pas d’additif, c’est naturel. Tout ce qui est naturel a sa raison d’être parce que, si les gens l’ont utilisé depuis la nuit des temps, c’est que c’est solide.

Le premier avantage par rapport à tous les matériaux que vous avez c’est que vous avez la stabilité de forme, vous avez la résistance à la compression élevée. Vous avez une isolation acoustique meilleure, vous avez une isolation thermique meilleure et vous avez le squelette qui n’est pas mal du tout parce qu’on peut faire le parement, donc vous pouvez même construire votre maison sans faire la peinture extérieure. Elle a aussi l’avantage quand on a les presses qu’il faut, de faire la couverture. En fait, la nature nous a tout offert.

Contrairement au Béton cellulaire ou à la brique comprimée, parce que les gens confondent énormément la terre cuite avec l’hydraform, la terre comprimée et stabilisée avec 5% de ciment. Ils ont pratiquement les mêmes aspects mais il y a l’un qui s’effrite avec le temps, avec la pluie et la terre cuite s’effrite jamais puisqu’elle est agglomérée à 950°, donc c’est comme du verre.

C’est très écologique. Avec une brique de 10, vous avez deux heures de rétention du feu en cas d’incendie avant que le feu ne passe d’une paroi à une autre. Si c’est une brique de 15 avec l’enduit c’est quatre heures et si c’est une brique de 20 que vous avez utilisé c’est six heures. Donc, en cas d’incendie les gens ont largement la possibilité, s’ils ne sont pas étouffés par le CO2 de se faire secourir par les pompiers.

Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises du secteur des briques en terre cuite en Afrique ?

D’abord on n’a pas de concurrents. On a que de petits concurrents mais ça ne dérange pas. Le Nigeria a sept usines de cent mille tonnes par an. 100 000 tonnes c’est énorme, mais ils ont un an de retard de livraison donc il faut attendre.

Le défi majeur c’est la formation. Il faut former les gens pour les poser. A notre niveau, on essaie de faire le maximum. Le deuxième défi c’est l’accompagnement étatique parce que les sociétés vendent très chère le matériel, la biomasse que nous utilisons pour cuire les briques deviennent de plus en plus chère parce que les chinois ramassent tout pour aller faire leur chaudière en Chine, même les coques de noix de palmiste que nous utilisons, qui d’habitude, quand on a commencé n’intéressait personnes. C’est dans les villages qu’on les ramassait. L’Etat doit nous accompagner à relever ce défi.

La troisième chose principale, il faut que la mentalité change. Nous sommes colonisés mentalement. Nous pensons que tout ce qui est béton, c’est ce qui est bien pour nous. Or nous savons tous qu’il y a des directives européennes qui sont sorties et qui ont prouvé qu’avec le béton le cancer est omniprésent parce qu’il y a du sulfate d’aluminium.

Comment votre entreprise s’efforce-t-elle de relever ces défis et de se distinguer sur le marché ?

On communique énormément. On montre beaucoup les œuvres en terre cuite qui ont été faites partout surtout au Vietnam, en Belgique et un peu partout dans le monde. On les collecte et on les distribue sur les réseaux sociaux. On les montre. Le président a eu la meilleure idée de dire que ces matériaux sont très beaux et qu’on va les utiliser. On les utilise sur tous les marchés. Actuellement sur 14 marchés un peu partout au Bénin c’est la terre cuite que nous avons mise dessus. Aujourd’hui c’est la terre cuite que nous fabriquons qui font ces chefs d’œuvres que tout le monde apprécie…

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