Comment voyez-vous le développement des infrastructures de transports routiers, maritimes, ferroviaires et aériens en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier dont votre département ministériel en assure le financement pour ce qui est du Burkina Faso ?
Les infrastructures de transport stimulent la production à cause de leurs effets structurants. Pour l’Afrique, une des causes majeures du retard de son industrialisation, réside dans l’insuffisance du stock d’infrastructures productives notamment dans le domaine des transports.
Bien que les investissements en matière de transport représentent la part la plus importante des investissements en infrastructures, soit environ 39%, le niveau et la qualité de ces infrastructures ne permettent pas une industrialisation conséquente à même d’éliminer la pauvreté en Afrique.
Avec un continent qui représente 18% de la population mondiale et qui doit créer des emplois pour environ 12 millions de personnes chaque année mais qui ne pèse que seulement 2,1% des activités de transport aérien mondial.
De plus, les réseaux routiers, maritimes et ferroviaires sur le continent restent globalement peu développés avec des niveaux disparates d’une zone à l’autre. Une situation qui explique les coûts relativement élevés de transport qui, à leur tour, compromettent la compétitivité des exportations africaines en contribuant à gonfler les prix d´importations essentielles. Il est donc impératif que l’Afrique développe des infrastructures de haute qualité notamment des réseaux de transport modernes afin d’atteindre les agendas 2030 et 2063 de l’Union Africaine.
Le Burkina Faso, à travers ses politiques de développement, s’est fixé comme objectif de renforcer ses infrastructures routières, d’apporter un soutien conséquent au domaine de l’industrie et de la recherche.
Notre pays a consenti d’énormes efforts dans ce domaine, des efforts qui ont permis d’améliorer l’état des infrastructures avec une proportion de routes en bon état qui passe de 8,63% en 2019 à 25% en 2021. Aussi, la proportion des pistes rurales aménagées s’est améliorée passant de 28,94% en 2016 à 35,53% en 2021. La quantité de fret routier a connu une progression régulière sur la période 2016-2021 passant de 3 775 573 de tonnes en 2016 à 5 849 151 de tonnes en 2021 soit une moyenne annuelle de 4 171 294 tonnes.
Le transport ferroviaire de passagers a enregistré une tendance à la baisse sur la période 2016-2021. En effet, le nombre de passagers est passé de 149 297 en 2016 à 106 495 en 2019. Le volume du fret ferroviaire a connu une amélioration sur la période 2016-2019 en passant de 595 929 tonnes en 2016 à 879 827 tonnes en 2019 soit une moyenne annuelle de 699 356,74 tonnes avant de connaitre une baisse à partir de 2020 pour s’établir à 681 020 tonnes en 2021.
Cependant, les défis restent énormes pour le développement d’infrastructures de transport modernes capables de dynamiser le secteur.
Les Etats africains se sont engagés à créer la Zone de Libre Echange Continentale Africaine ! Quel rôle pourrait ou devrait jouer le ministère de l’Économie, des Finances et de la Prospective dans ce projet panafricain ?
En tant que membre de l’Union africaine et signataire de l’accord de la ZLECAf, le Burkina Faso a l’opportunité de contribuer à la création d’un marché unique africain dynamique et prospère et de saisir les opportunités qui en sont liées. Dans cet élan, le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Prospective joue un rôle crucial au regard de sa position centrale et de ses attributions.
Mon département a participé au processus d’adoption et de mise en œuvre de la ZLECAf. Il a également effectué une série de réflexions en amont sur l’impact éventuel sur la mobilisation des ressources financières de l’Etat, la structure productive de notre économie et sa capacité à être compétitive dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord. Cela nous permet d’anticiper certaines actions et reformes sur la base des recommandations de ces réflexions en vue d’optimiser notre participation.
Le ministère en charge des finances pourrait jouer sur plusieurs leviers comme le renforcement de la compétitivité économique et de la coopération régionale ainsi que l’attractivité des investissements entre autres.
Pour le renforcement de la compétitivité économique, il s’agit dans ce volet de mettre en place des politiques visant à renforcer la compétitivité économique du Burkina Faso dans le contexte de la ZLECAf. Cela implique des réformes fiscales, la mobilisation des ressources pour les investissements dans l’infrastructure et les secteurs clés, ainsi que des initiatives visant à promouvoir l’innovation et l’esprit d’entreprise. Il s’agit également de former les entreprises sur les normes de qualité et les procédures douanières, ainsi que le soutien à l’amélioration de l’infrastructure commerciale, des services logistiques et des compétences commerciales.
En matière d’attractivité des investisse-ments au Burkina Faso dans le cadre de la ZLECAf, nous travaillons en étroite collaboration avec les autres ministères et organismes gouvernementaux pour faciliter la mise en œuvre de l’accord de la ZLECAf. Cela implique l’adoption de politiques et de mesures nécessaires pour harmoniser les réglementations commerciales, la facilitation du mouvement des biens et des personnes, et la promotion de l’intégration économique régionale. Elle inclut également la simplification des procédures douanières pour faciliter les échanges avec les autres pays africains ainsi que la simplification des procédures administratives, la promotion des incitations fiscales et la mise en place de mécanismes de règlement des différends pour assurer la sécurité juridique des investissements.
En ce qui concerne le renforcement de la coopération régionale, le ministère de l’économie joue également un rôle actif dans la promotion de la coopération régionale au sein de la ZLECAf. Cela inclue la participation à des réunions et des négociations avec d’autres pays membres, la promotion de projets d’investissement transfrontaliers et la collaboration avec d’autres ministères des finances de la région ouest-africaine pour harmoniser les politiques économiques.
Dans ce projet, il est important pour nous d’assurer un meilleur suivi de la mise en œuvre de la ZLECAf et aussi de veiller à une élaboration des textes juridiques et règlementaires d’internalisation.
Pensez-vous que la réalisation de la ZLECAF soit une opportunité pour les pays africains ?
Il est évident que la Zone de Libre Échange Continentale Africaine est une opportunité pour les pays africains. Des avantages peuvent être cernés à plusieurs niveaux notamment en termes d’augmentation et de diversification des échanges commerciaux, d’accélération de l’industrialisation et de transformation économique en Afrique entre autres.
De par son objectif, la ZLECAf vise à créer un marché unique en Afrique en éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce entre les pays membres. Cela favorisera une augmentation des échanges commerciaux entre les pays africains, ce qui stimulera la croissance économique et favorisera le développement des communautés économiques régionales en particulier et de l’Afrique en général.
En créant un marché plus large, la ZLECAf offre aux entreprises africaines une opportunité d’accéder à de nouveaux marchés et de diversifier leurs exportations. Cela permettra aux pays africains de réduire leur dépendance à l’égard des marchés extérieurs hors-Afrique et de développer des chaînes de valeurs régionales plus intégrées.
Cependant, il est important de reconnaître que la mise en œuvre de la ZLECAf nécessitera des efforts considérables de la part des pays membres. Il faudra surmonter des défis tels que l’harmonisation des réglementations, le renforcement des capacités commerciales et logistiques, ainsi que la résolution des problèmes liés aux infrastructures et aux barrières non tarifaires. Néanmoins, dans l’ensemble, la ZLECAf offre une opportunité prometteuse pour les pays africains de promouvoir le commerce, la croissance économique et le développement régional.
La recherche des partenaires techniques pour le financement des projets du secteur des infrastructures, de l’habitat, des mines et des transports est parfois long. Comment convaincre les investisseurs à venir au Burkina ?
De façon générale, la maturité des projets structurants demande énormément de temps et d’importantes ressources pour leurs réalisations qui se font en moyenne sur 18 mois et le secteur des infrastructures notamment des routes, chemins de fer, de l’électricité et des télécommunications n’y échappe pas.
Pour attirer des investisseurs dans notre pays, le Gouvernement anime régulièrement les cadres de dialogue et de concertation avec les Partenaires techniques et financiers et travaille à faire connaitre les potentialités et les opportunités d’investissement, à améliorer le climat des affaires et à renforcer le dispositif institutionnel et juridique dans le domaine des investissements.
En plus de cela, Il est mis à disposition, les programmes de projets en PPP ainsi que les études de faisabilité qui montrent l’éventail des possibilités d’investissement qui couvrent l’ensemble des secteurs pouvant constituer les piliers de développement comme les routes, les mines, les chemins de fer et autres.
Le Burkina Faso est un pays enclavé dont les échanges commerciaux passent essentiellement par la route. Quels sont les grands partenaires techniques et financiers courtisés pour booster ce secteur ?
Nous avons à ce jour, environ une dizaine de partenaires techniques et financiers qui financent le sous-secteur de la route ou qui l’ont dans leurs domaines d’interventions. Ce sont surtout les Institutions Financières de développement qui financent ce secteur. Nous avons des partenaires multilatéraux classiques comme la Banque Islamique de Développement, la Banque ouest africaine de développement, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union Européenne, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique.
Au niveau bilatéral nous avons des financements des pays comme le Japon, la France, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, la République Populaire de Chine qui interviennent dans le financement d’infrastructures dans notre pays. En dehors de ses partenaires classiques, nous avons à travers les partenariats publics privés (PPP), des investisseurs nationaux et internationaux qui s’intéressent de plus en plus à notre pays dans des secteurs clés comme les routes. Nous poursuivons la dynamique de la diversification des partenaires pour le financement de ce secteur qui est un des secteurs prioritaires dans notre plan d’actions pour la stabilisation et le développement.
Le partenariat public-privé (PPP) peut-il être une des solutions pour le développement des infrastructures en Afrique ?
Le manque crucial d’infrastructures d’utilité publique en Afrique et les difficultés à assurer leur maintenance lorsqu’elles existent, commandent que les Etats trouvent des voies alternatives pour pallier ces manques.
A cela, il faut ajouter la marge de manœuvre budgétaire limitée des gouvernements africains, alors que les budgets nationaux représentent aujourd’hui la principale source de financement des infrastructures sur le continent.
Face à ce constat et à l’instar des pays développés, les Etats africains n’ont pas d’autres choix que de se tourner vers le secteur privé par le biais de la modalité « partenariats public-privé » pour réduire ce déficit infrastructurel indispensable pour accélérer le développement.
C’est ce qui pourrait expliquer d’ailleurs la promotion importante de cette modalité de la part de certains acteurs de l’aide au développement et des institutions financières. Les PPP sans être une panacée sont donc devenus incontournables dans le financement des infrastructures surtout en Afrique. En tant que moyen de contracter une délégation de services public, la nécessité d’y tirer parti pour relever les défis du développement des infrastructures en Afrique n’est plus à démontrer.
Ma conviction personnelle est que les PPP peuvent être une des solutions sûres, efficaces et efficientes pour le financement, la construction et la maintenance des infrastructures s’ils sont utilisés de façon adéquate dans le respect des principes et règles qui les gouvernent.
Quels sont les projets ou les grandes réformes de votre département à court et moyen terme ?
Le plus grand projet est la définition d’une nouvelle vision prospective du Burkina Faso pour les 30 années à venir. Ce processus déclenché en 2021 avec une évaluation de l’étude prospective en cours et l’élaboration d’un rapport des aspirations de la population, amorce d’autres étapes importantes notamment la constitution des bases d’information prospective, l’analyse structurelle, la définition des scénarii et la vision prospective.
A court et moyen terme, l’ensemble des grandes réformes du département de l’Économie, des Finances et de la prospective est consigné dans un plan d’action intégré des réformes de finances publiques. Elles portent entre autres sur la simplification des procédures d’accomplissement des opérations fiscales et douanière ; la généralisation de l’utilisation du e-payement pour tous les segments des contribuables ; la promotion du civisme fiscal ; l’informatisation du cadastre foncier national ; l’assainissement du marché intérieur notamment par la lutte contre la fraude, le faux et la concurrence déloyale ; la dynamisation de l’approche partenariat public privé ; la poursuite de la dématérialisation des procédures de gestion des marchés publics (MP) et des délégations de service public (DSP) ; la poursuite des actions de la mise en place du Compte unique du trésor ; l’informatisation de la gestion financière et comptable des Collectivités Territoriales.
Quel message avez-vous à l’endroit de ceux qui souhaitent investir en Afrique et au Burkina Faso ?
Concernant l’Afrique, il est reconnu qu’elle demeure le continent d’avenir en termes d’opportunités d’investissement mais surtout en termes de rendement. Une étude de la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies, démontre que le continent africain est la région la plus rentable au monde pour les investissements directs étrangers avec un taux de rendement de 14% pour une moyenne mondiale de 7,1%.
De plus, de nombreux pays africains connaissent, malgré les crises au niveau international, une croissance économique soutenue, stimulée par l’urbanisation rapide, l’augmentation de la consommation liée à l’émergence d’une classe moyenne. À cela s’ajoute une population à majorité jeune qui constitue une main d’œuvre qualifiée, croissante et dynamique pouvant permettre de relever les défis en matière d’accroissement de la productivité.
Quant à notre pays, le Burkina Faso, en dépit des crises sécuritaire et humanitaire avec un contexte international difficile, l’effet de résilience a permis à certains secteurs d’activité tels que les banques, la téléphonie et les services de bien se porter. Cela offre des opportunités aux entreprises proposant des solutions innovantes dans les domaines de la sécurité, de l’humanitaire, des transports.
Il y a aussi le fait que l’Etat accompagne les investissements privés producteurs de richesses en octroyant des facilités fiscales qui peuvent s’étendre sur une période, sous forme de réduction et d’exonérations d’impôts, de taxes et droits de douanes aussi bien pendant la phase d’investissement que pendant la phase d’exploitation.
D’autres types d’accompagnement sont donnés aux investisseurs privés étrangers à travers les conventions fiscales qui permettent d’éviter les doubles impositions, bien entendu pour les pays qui ont signé des conventions avec le Burkina Faso.
Par ailleurs, le Burkina Faso s’évertue depuis une dizaine d’années à adapter son système éducatif aux besoins du marché de travail à travers la création d’universités spécialisées dans le domaine des secteurs porteurs du moment. L’objectif est de mettre en place une main d’œuvre abondante et qualifiée au service du développement économique du pays.
Un autre aspect non moins important est la situation géographique de notre pays ainsi que l’existence d’un réseau routier et d’un système de transit international performants qui font de lui, le fer de lance de la libre circulation des biens et des personnes dans l’espace sous régional. Relié directement et indirectement à tous les pays de la CEDEAO, le Burkina Faso apparait comme un hub naturel dans l’espace UEMOA et CEDEAO, offrant un accès à un marché de plus de 300 millions d’habitants.
Je voudrais remercier le magazine HOME pour l’intérêt porté sur le ministère de l’économie, des finances et de la prospective du Burkina Faso. Notre pays vit actuellement une situation difficile. Nous avons élaboré le Plan d’actions pour la stabilisation et le développement, la feuille de route qui devrait nous conduire à la victoire et j’ai foi qu’avec l’engagement et la détermination des forces combattantes sur le terrain ainsi que la contribution de l’ensemble du peuple burkinabè et des amis du Burkina Faso, nous y arriverons.
Comme Martin Luther KING, je rêve d’un Burkina Faso paisible et prospère dans une Afrique unie et solidaire.
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